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Suite : à propos de la proposition de loi

12 Mai 2009

ADLPF La Libre Pensée Laïcité Suite : à propos de la proposition de loi
A PROPOS DE LA PROPOSITION DE LOI ADOPTEE PAR LE SENAT LE 10 DECEMBRE 2008… Sur certaines dispositions du projet de loi en question et sur leur caractère inévitablement contraire à la Constitution… Si cette loi était – en l’état – définitivement adoptée, chaque commune se verrait désormais contrainte de payer une participation financière pour les enfants fréquentant l’école privée d’une autre commune. Et cela sans que le maire ait la moindre possibilité de formuler préalablement quelque avis que ce soit. Rappelons que pour les élèves scolarisés dans l’enseignement public en dehors de leur commune, la participation financière de celle-ci est facultative et qu’elle est, de toutes les manières, soumise à l’accord préalable du maire sauf en l’absence de places ou d’école dans la commune et, pour des cas de dérogation précis.

Avec ce projet de loi du 10 décembre 2008, pour les élèves des établissements privés, le maire n’aura, non seulement, rien à dire mais il devra systématiquement payer…

Ce projet de loi, s’il devait être entériné, aurait bien entendu pour conséquence un accroissement important des coûts de scolarisation à la charge des communes.

Cette augmentation des dépenses en faveur des écoles privées se traduirait inévitablement alors par une nouvelle diminution des moyens de fonctionnement des écoles publiques communales et, probablement, par une augmentation des impôts locaux.

Cette proposition de loi crée une situation de lourd et grave déséquilibre au détriment de l’école publique. Et elle instaure ainsi quasiment une situation de concurrence déloyale qui compromet l’existence même de l’école publique, et ce d’abord dans les espaces ruraux déjà les plus fragiles.

De manière évidente et en contradiction tant avec l’esprit et la lettre de la Constitution, le projet de loi du 10 décembre 2008 est entaché de quatre illégalités majeures qui seront ultérieurement développées et mises en perspective :

Il institue de manière déguisée une forme de chèque éducation en posant abruptement le principe d’obligation d’un financement généralisé et non-contrôlé à l’élève et ce pour le seul bénéfice des établissements d’enseignement privé.

Il dé-connecte totalement la relation républicaine Ecole/Commune qui fait le lien citoyen premier au profit d’une relation purement utilitariste et consumériste où la citoyenneté cède finalement le pas devant le consommateur et où l’Institution d’enseignement devient un simple service.

Il instaure une confusion sémantique et un contre-sens juridique entre les concepts de liberté de l’enseignement et de financement obligatoire qui sont radicalement non équivalents puisque justement le financement des établissements privés par la puissance publique, est strictement non obligé puisque seulement et exclusivement optionnel.

Il introduit de façon parfaitement abusive l’idée complètement fausse juridiquement qu’il pourrait exister – hors des besoins scolaires objectivement reconnus – un financement a priori des établissements privés alors que le financement public vers ces établissements ne saurait justement être possible qu’a posteriori, c’est-à-dire sur la base d’analyses précises de dossiers spécifiques et dans le cadre des garanties nécessaires qui doivent prémunir efficacement les établissements d’enseignement public ( dont la mission d’éducation est d’intérêt général !) contre d’éventuelles ruptures d’égalité à leur détriment.

C’ est en première lecture, que le Sénat a adopté – en complète méconnaissance des principes constitutionnels fondamentaux qui définissent l’administration de l’éducation au regard du Livre II du code de l’éducation – la proposition de loi dont l’objet et le contenu ont été fixé tel qu’il s’ensuit et ceci en négation des règles capitales qui fixent la compétence des communes en vertu des articles L.212-1 et suivants du même code:

Article 1er

Dans la section 3 du chapitre II du titre IV du livre IV du code de l’éducation, il est inséré un article ainsi L. 442-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 442-5-1. – La contribution de la commune de résidence pour un élève scolarisé dans une autre commune dans une classe élémentaire d’un établissement privé du premier degré sous contrat d’association constitue une dépense obligatoire lorsque cette contribution aurait également été due si cet élève avait été scolarisé dans une des écoles publiques de la commune d’accueil.

« En conséquence, cette contribution revêt le caractère d’une dépense obligatoire lorsque la commune de résidence ne dispose pas des capacités d’accueil nécessaires à la scolarisation de l’élève concerné dans son école publique ou lorsque la fréquentation par celui-ci d’une école située sur le territoire d’une autre commune que celle où il est réputé résider trouve son origine dans des contraintes liées :

« 1° Aux obligations professionnelles des parents, lorsqu’ils résident dans une commune qui n’assure pas directement ou indirectement la restauration et la garde des enfants ;

« 2° À l’inscription d’un frère ou d’une sœur dans un établissement scolaire de la même commune ;

« 3° À des raisons médicales.

« Lorsque la contribution n’est pas obligatoire, la commune de résidence peut participer aux frais de fonctionnement de l’établissement sans que cette participation puisse excéder par élève le montant de la contribution tel que fixé à l’alinéa suivant.

« Pour le calcul de la contribution de la commune de résidence, il est tenu compte des ressources de cette commune, du nombre d’élèves de cette commune scolarisés dans la commune d’accueil et du coût moyen par élève calculé sur la base des dépenses de fonctionnement de l’ensemble des écoles publiques de la commune d’accueil, sans que le montant de la contribution par élève puisse être supérieur au coût qu’aurait représenté pour la commune de résidence l’élève s’il avait été scolarisé dans une de ses écoles publiques. En l’absence d’école publique, la contribution par élève mise à la charge de chaque commune est égale au coût moyen des classes élémentaires publiques du département. »

Article 2

Dans la même section 3, il est inséré un article L. 442-5-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 442-5-2. – Lorsqu’elle est obligatoire, la contribution aux dépenses de fonctionnement des classes élémentaires sous contrat d’association des établissements privés du premier degré est, en cas de litige, fixée par le représentant de l’État dans le département qui statue dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle il a été saisi par la plus diligente des parties. »

Article 3

Le premier alinéa de l’article L. 442-9 du même code est supprimé.

L’article 89 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales est abrogé.

Le Sénat a ainsi adopté, le mercredi 10 décembre 2008, cette proposition de loi tendant à garantir une soi-disant parité de financement entre les écoles primaires publiques et privées sous contrat d’association lorsqu’elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence.

Ce texte vise à abroger l’article 89 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

Mentionnons ici que l’article 89 avait pour objet déclaré la parité de financement des écoles primaires publiques et privées sous contrat d’association, lorsque ces dernières accueillaient des élèves scolarisés en dehors de leur commune de résidence. Les auteurs du texte de la présente proposition de loi regrettent néanmoins que cette disposition ait vu son application compromise par une certaine insécurité juridique. Les communes, selon eux, ne parvenant pas à mesurer l’étendue précise de leurs nouvelles obligations, et les écoles primaires privées sous contrat d’association, ne bénéficiant dans les faits que d’une part très faible des nouveaux financements qui leur étaient destinés.

La proposition de loi affirme dès lors avoir pour objet de clarifier les règles applicables au financement des écoles primaires privées sous contrat d’association lorsqu’elles accueillent des élèves domiciliés dans une autre commune, en consacrant l’exigence de parité.

Or, il convient ici et en préalable de rappeler le concept d’inscription des dépenses obligatoires tel qu’il définit le principe selon lequel les collectivités locales sont tenues d’inscrire à leur budget les crédits correspondant aux dépenses justement obligatoires pendant que l’ordonnateur doit, lui, les mandater.

Cette notion de dépenses obligatoires est d’ailleurs précisée par l’article L.1612-15 du CGCT qui dispose que « Ne sont obligatoires pour les collectivités territoriales que les dépenses nécessaires à l’acquittement des dettes exigibles et les dépenses pour lesquelles la loi l’a expressément décidé ».

Complémentairement et considérant l’objet du projet de loi ici discuté et qui vise à « garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d’association et d’encadrer la participation des communes au financement des écoles privées sous contrat d’association lorsqu’elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence  »

On peut et doit se poser la question de méthode préliminaire suivante : Comment le législateur de la république peut-il rationnellement évoquer la parité entre le public et le privé? Il oublierait là manifestement que les établissements d’enseignement privé ne procèdent pas du service public mais d’intérêts privés, confessionnels ou non… Il s’agit donc bien là de faire bénéficier ces établissements privés de financements nouveaux alors même que les écoles publiques se voient, elles, confrontées à une austérité budgétaire sans précédent à cause des difficultés financières croissantes des communes.

L’énoncé selon lequel « La contribution de la commune de résidence revêt le caractère d’une dépense obligatoire lorsqu’elle ne dispose pas des capacités d’accueil nécessaires à la scolarisation d’un élève dans une école publique » introduit une dérive qui contrevient indubitablement à la logique constitutive de l’ordre public républicain.

D’autre part, aux termes du projet, la dépense deviendrait obligatoire pour les communes dés lors que les familles peuvent justifier de  contraintes liées… aux obligations professionnelles des parents, au regroupement de fratrie ou à une raison médicale.

Or, ces conditions dérogatoires soumises à l’accord du Maire pour le public, ne vaudraient donc pas pour le privé sous prétexte du caractère propre de l’enseignement en question et de la « liberté d’enseignement ».

La transparence et le respect de choix des élus imposent juridiquement que les demandes de dérogation soient soumises à l’avis du maire dans les mêmes conditions pour le public et le privé. La Constitution n’institue nullement l’obligation de financer le privé sous prétexte de liberté d’enseignement mais – a contrario – il est hors de doute qu’elle impose que chaque commune puisse disposer d’une école publique.

En effet, l’établissement des écoles élémentaires publiques, créées par application des articles L. 212-1 et suivants du code de l’éducation, ne constitue pas une dépense facultative mais bel et bien une dépense obligatoire pour les communes.

Sont également d’ailleurs regardées comme des dépenses obligatoires, dans toute école régulièrement créée :

Les dépenses résultant de l’article L. 212-4 ;

Le logement de chacun des instituteurs attachés à ces écoles ou l’indemnité représentative de celui-ci ;

L’entretien ou la location des bâtiments et de leurs dépendances ;

L’acquisition et l’entretien du mobilier scolaire ;

Le chauffage et l’éclairage des classes et la rémunération des personnels de service, s’il y a lieu.

De même, constitue une dépense obligatoire à la charge de la commune le logement des instituteurs qui y ont leur résidence administrative et qui sont appelés à exercer leurs fonctions dans plusieurs communes en fonction des nécessités du service de l’enseignement.

L’article premier définit un principe préalable : une commune de résidence n’aura pas à prendre en charge les dépenses de fonctionnement liées à la scolarisation dans le privé sous contrat d’un élève dans un cas où elle n’aurait pas dû le faire pour un élève scolarisé dans le public.

Une commune de résidence n’aura à acquitter cette contribution pour un élève du privé sous contrat que si l’une des quatre conditions suivantes est remplie :

si elle ne dispose pas des capacités d’accueil dans l’école publique de sa commune ;

si les obligations professionnelles des parents imposent la scolarisation dans une autre commune, sans que la commune de résidence n’ait organisé de service de garde ni de service de restauration ;

si des raisons médicales imposent la scolarisation de l’enfant dans une autre commune ;

si le frère ou la soeur de l’enfant est déjà scolarisé dans cette autre commune.

Ces conditions sont donc les mêmes que pour le public, à cette exception d’importance près : l’accord du maire n’a pas à être recherché pour l’inscription dans le privé, alors qu’il doit l’être pour le public.

A l’article 1er a été ensuite ajouté un amendement qui considère, pour les communes qui ont été amenées à scolariser leurs enfants dans le cadre d’un regroupement pédagogique intercommunal (RPI), de considérer que la capacité d’accueil est celle du RPI.

Cette référence au RPI pose d’emblée et immédiatement un vrai et important problème juridique puisque ce dernier n’est pas en droit un territoire administratif de l’Etat pouvant se substituer aux communes ou aux établissements publics de coopération intercommunale. En effet, il est constant que le RPI est totalement ignoré des textes législatifs ou réglementaires qui délimitent le champ où peut intervenir et s’établir la contribution des communes au forfait communal.

En l’état, le regroupement pédagogique intercommunal n’est qu’un espace de simple gestion pédagogique provenant d’une décision rectorale ou découlant d’une décision entre maires qui ne saurait juridiquement pouvoir devenir le périmètre organisateur du calcul de la contribution du forfait communal.

La démarche qui a conduit à la rédaction du projet des articles L.442-5-1 et L.442-5-2, est guidée – selon ses promoteurs – par un souci de clarification qui les a ainsi conduit à abroger l’article 89.

Toutefois et par delà ce souci d’éclaircissement affirmé, il est patent que l’actuelle proposition de loi n’est pas satisfaisante en ce qu’elle aboutit à une construction qui contrevient visiblement aux principes les plus fondamentaux de notre édifice constitutionnel.

Les défenseurs du projet expliquent que leur dispositif prévoit, au nom du principe de parité, qu’une commune aura à verser une contribution à une classe élémentaire privée sous contrat dans tous les cas où elle aurait dû la verser pour une classe publique. Pour autant, les modalités retenues par ce projet – afin d’encadrer cette obligation de contribution – ne sont pas les mêmes pour le public et le privé et contredisent donc inévitablement et d’emblée les grands principes de droit applicables à l’espèce.

Il suffit tout simplement pour s’en rendre compte de comparer le texte proposé avec l’article L. 212-8 du code de l’éducation, qui règle la question quand il s’agit de deux écoles publiques :

Article L212-8 du code de l’éducation

« Lorsque les écoles maternelles, les classes enfantines ou les écoles élémentaires publiques d’une commune reçoivent des élèves dont la famille est domiciliée dans une autre commune, la répartition des dépenses de fonctionnement se fait par accord entre la commune d’accueil et la commune de résidence. Lorsque les compétences relatives au fonctionnement des écoles publiques ont été transférées à un établissement public de coopération intercommunale, le territoire de l’ensemble des communes constituant cet établissement est assimilé, pour l’application du présent article, au territoire de la commune d’accueil ou de la commune de résidence et l’accord sur la répartition des dépenses de fonctionnement relève de l’établissement public de coopération intercommunale.

A défaut d’accord entre les communes intéressées sur la répartition des dépenses, la contribution de chaque commune est fixée par le représentant de l’Etat dans le département après avis du conseil départemental de l’éducation nationale.

Pour le calcul de la contribution de la commune de résidence, il est tenu compte des ressources de cette commune, du nombre d’élèves de cette commune scolarisés dans la commune d’accueil et du coût moyen par élève calculé sur la base des dépenses de l’ensemble des écoles publiques de la commune d’accueil. Les dépenses à prendre en compte à ce titre sont les charges de fonctionnement, à l’exclusion de celles relatives aux activités périscolaires. Un décret en Conseil d’Etat détermine, en tant que de besoin, les dépenses prises en compte pour le calcul du coût moyen par élève ainsi que les éléments de mesure des ressources des communes.

Toutefois, les dispositions prévues par les alinéas précédents ne s’appliquent pas à la commune de résidence si la capacité d’accueil de ses établissements scolaires permet la scolarisation des enfants concernés, sauf si le maire de la commune de résidence, consulté par la commune d’accueil, a donné son accord à la scolarisation de ces enfants hors de sa commune. Pour justifier d’une capacité d’accueil au sens du présent alinéa, les établissements scolaires doivent disposer à la fois des postes d’enseignants et des locaux nécessaires à leur fonctionnement.

Par dérogation à l’alinéa précédent, un décret en Conseil d’Etat précise les modalités selon lesquelles, sans préjudice du dernier alinéa du présent article, une commune est tenue de participer financièrement à la scolarisation d’enfants résidant sur son territoire lorsque leur inscription dans une autre commune est justifiée par des motifs tirés de contraintes liées :

Aux obligations professionnelles des parents lorsqu’ils résident dans une commune qui n’assure pas directement ou indirectement la restauration et la garde des enfants ou si la commune n’a pas organisé un service d’assistantes maternelles agréées ;

A l’inscription d’un frère ou d’une soeur dans un établissement scolaire de la même commune ;

A des raisons médicales.

Ce décret précise, en outre, les conditions dans lesquelles, en l’absence d’accord, la décision est prise par le représentant de l’Etat dans le département.

Lorsque les compétences relatives au fonctionnement des écoles publiques ont été transférées à un établissement public de coopération intercommunale, le président de cet établissement est substitué au maire de la commune de résidence pour apprécier la capacité d’accueil et donner l’accord à la participation financière.

La scolarisation d’un enfant dans une école d’une commune autre que celle de sa résidence ne peut être remise en cause par l’une ou l’autre d’entre elles avant le terme soit de la formation préélémentaire, soit de la scolarité primaire de cet enfant commencées ou poursuivies durant l’année scolaire précédente dans un établissement du même cycle de la commune d’accueil. »

Le cinquième alinéa de cet article tel que plus haut surligné indique donc bien qu’une « commune est tenue de participer financièrement à la scolarisation d’enfants résidant sur son territoire lorsque leur inscription dans une autre commune est justifiée par des motifs tirés de contraintes […] ».

Or cette notion combien importante de « justification » qui a une claire signification juridique et qui existe de manière évidente pour le public, ne se retrouve nullement dans le projet adopté par le Sénat. C’est dire en effet que bien entendu, elle ne s’applique ici pas subséquemment au privé. C’est l’une des raisons essentielles et premières pour lesquelles elle ne saurait pouvoir prospérer en ce qu’elle est infailliblement entachée d’anti-constitutionnalité.

Mais qui plus est, les parents ne seront pas non plus tenus, comme c’est le cas lorsque la question se pose entre deux écoles publiques, de soumettre leur demande de dérogation à l’approbation antérieure du conseil municipal.

Un tel projet vient là en fait involontairement mais considérablement affaiblir les efforts entrepris par les communes rurales pour maintenir sur leur territoire un service public de l’éducation vivant, seul garant – et c’est là la grande spécificité républicaine française – d’une école gratuite et laïque pour tous.

Que deviendront dés lors l’égalité et la liberté de choix pour les enfants et les parents des communes rurales les plus en difficulté lorsque les écoles publiques – faute de moyens suffisants – seront progressivement contraintes de fermer leurs portes?

En France à ce jour, 12 000 communes ne disposent plus d’école communale et 28 % des écoles ne possèdent au plus que deux classes. Et dans le contexte actuel,il est fort peu probable que la situation aille en s’améliorant.

Dans les territoires concernés, le surcoût immanquablement généré par les effets du projet de loi adopté par le Sénat ne pourra pas ne pas être préjudiciable au maintien des petites structures publiques déjà si fragilisées.

L’ensemble de ces constats évidents et de ces interrogations juridiques ne peuvent conduire qu’à d’extrêmes réserves et à émettre, indubitablement, un constat certain d’anti-constitutionnalité sur la proposition de loi qui a été de la sorte proposée.

Conséquemment, il est constant que la proposition de loi ici querellée ne garantit pas le respect de la disposition constitutionnelle selon laquelle « l’organisation de l’enseignement public, gratuit et laïque à tous les degrés, est un devoir de l’État » en ce qu’elle ne permet pas d’assurer par des conditions précises la conciliation entre le principe de la liberté de l’enseignement et les devoirs de l’État à l’égard de l’enseignement public.

Elle ne fait pas non plus une juste application du principe de la liberté d’enseignement dès lors que les conditions essentielles d’application de cette dernière dépendent de décisions d’autorités locales.

Elle ne répond pas non plus aux exigences de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui justifie la nécessité d’une contribution commune pour « l’entretien de la force publique et les dépenses administratives » dans la mesure où elle ne prévoit pas de garanties suffisantes pour prévenir l’accroissement de patrimoines privés.

Ce projet de loi a là aussi très manifestement méconnu l’article 34 de la Constitution faute d’avoir exercé assez précisément sa compétence pour définir précisément les conditions des concours financiers en cause.

Ce projet somme toute viole le principe d’égalité entre citoyens en permettant implicitement là parité des concours financiers entre établissements publics et établissements privés alors que les charges et contraintes des uns sont – par essence – supérieures à celles des autres.

Ce projet contrevient au principe de la laïcité de la République posé par l’article 2 de la Constitution et méconnaît le devoir de l’État concernant l’organisation de l’enseignement public, gratuit et laïque à tous les degrés imposé par le Préambule de la Constitution de 1946. Assurément, il ne pourrait nécessairement que tendre – compte tenu du caractère limité des ressources publiques – à provoquer le transfert de crédits d’investissement de l’enseignement public au bénéfice d’établissements privés. Ensuite, il porterait le risque transparent d’organiser l’enrichissement de personnes privées qui, elles, ne sont pas soumises aux exigences de la laïcité.

Au surplus, ce projet enfreint ostensiblement le principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales dès lors qu’il fait peser sur ces dernières des charges financières nouvelles sans prévoir une vraie logique réfléchie et équilibrée de transferts de ressources en contrepartie

Aux termes de l’article 2 de la Constitution, la France se définit juridiquement comme «  une république indivisible, laïque, démocratique et sociale…(qui)… assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion… » ;

Aux termes du treizième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 confirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958 « L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État » ;

Ultimo, la liberté de l’enseignement constitue l’un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, réaffirmés par le Préambule de la Constitution de 1946 auquel se réfère le Préambule de la Constitution de 1958 ;

Considérant qu’il appert des textes fondamentaux sus-visés que les notions élastiques de « liberté » et de « parité » telles que revendiquées dans le projet de loi ici discuté, aboutissent en fait à dé-construire le domaine substantiel du champ éducatif qui constitue d’abord et avant tout une matérialité constitutionnelle ;

Considérant que le projet de loi incriminé aboutit à faire se développer un réseau d’établissements privés ostensiblement antinomique à la loi N°59-1557 du 31.12.59 dite « loi Debré », puisqu’ ouvertement concurrent au service public et ceci bien au-delà de la simple demande d’une éducation à « caractère propre » ;

Considérant que ce nouvel octroi de moyens accordé aux établissements privés – exonérés des contraintes spécifiques qui incombent particulièrement au seul service public – ne peut s’engager qu’au détriment du service en question qui est pourtant constitutionnellement seul à même de représenter l’intérêt général propre du service public de l’enseignement ;

Considérant que le droit à l’éducation ne saurait avoir pour objet de généraliser un droit consumériste et trans-communal à une marchandise enseignement qui ne pourrait indéniablement qu’être entaché d’anti-constitutionalité puisque le développement de l’enseignement public, gratuit et laïque à tous les degrés, et en premier lieu en chaque commune, un devoir fondamental de l’État ;

Considérant qu’il résulte des dispositions et principes à valeur constitutionnelle ci-dessus rappelés que le législateur peut prévoir l’octroi d’une aide des collectivités publiques aux établissements d’enseignement privés selon la nature et l’importance de leur contribution à l’accomplissement de missions d’enseignement.

Considérant que si le principe de libre administration des collectivités locales a valeur constitutionnelle, les dispositions que le législateur édicte ne sauraient conduire à ce que les conditions essentielles d’application d’une loi relative à l’exercice de la liberté de l’enseignement dépendent de décisions d’autorités territoriales et, ainsi, puissent ne pas être les mêmes sur l’ensemble du territoire.

Considérant que les aides allouées envisagées doivent, pour être conformes aux principes d’égalité et de liberté, obéir à des critères objectifs, vérifiables et vérifiés.

Considérant qu’il incombe au législateur, en vertu de l’article 34 de la Constitution, de définir les conditions de mise en oeuvre de ces dispositions et principes à valeur constitutionnelle.

Considérant que le législateur doit notamment prévoir les garanties nécessaires pour prémunir efficacement les établissements d’enseignement public contre des ruptures d’égalité à leur détriment au regard des obligations particulières que ces établissements assument.

Considérant que l’article 2 du projet de loi en posant le principe selon lequel : « Lorsqu’elle est obligatoire, la contribution aux dépenses de fonctionnement des classes élémentaires sous contrat d’association des établissements privés du premier degré est, en cas de litige, fixée par le représentant de l’État dans le département qui statue dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle il a été saisi par la plus diligente des parties. »…vient là enfreindre les conditions légales de l’aide aux établissements d’enseignement privés par les collectivités territoriales tel que le Conseil constitutionnel l’a toujours rappelé et notamment en sa Décision n° 93-329 DC du 13 janvier 1994.

Considérant qu’il s’en déduit nécessairement que s’agissant des conditions requises pour l’octroi des contributions et la fixation de leur montant, cet article 2 ne comporte pas les garanties nécessaires pour assurer le respect du principe d’égalité entre les établissements d’enseignement privés sous contrat se trouvant dans des situations comparables ; que ces différences de traitement ne sont évidemment pas justifiées par l’objet de la loi.

Considérant par ailleurs que les dispositions de l’article 2 ne comportent pas non plus de garanties suffisantes pour éviter que des établissements d’enseignement privés puissent se trouver placés dans une situation plus favorable que celle des établissements d’enseignement public, compte tenu des charges et des obligations de ces derniers.

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le présent projet de loi doit inéluctablement être déclaré contraire à la Constitution.

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