Note de lecture
« Le banc du temps qui passe » Méditations cosmiques.
Hubert REEVES. Le Seuil, 19€50
Hubert Reeves, astrophysicien québécois devenu Bourguignon de cœur, a installé un banc près de l’étang de Malicorne, face à un grand saule pleureur, qu’il a appelé « le banc du temps qui passe ». C’est là qu’il se livre à ses rêveries et réflexions sur l’univers, le monde et… sur lui-même. Ce livre, qui emprunte son intitulé à ce banc, est donc un voyage dans la pensée à la fois scientifique et philosophique d’un authentique humaniste.
Attention, prévient-il : « Il n’y a rien de définitif [à y trouver], seulement du provisoire, à remettre à jour, indéfiniment » (p9). Du reste, H Reeves « ne s’engage pas à le cohérence dans [ses] propos », puisqu’il admet ne pas être à l’abri des préjugés, dont le premier est que : « Il existe , dans la nature une formidable intelligence, forcément bien supérieure à la mienne ». La tentation est alors grande de le voir comme un moderne spinoziste, et on aurait tort, car pour Spinoza, dit-il, « Dieu et la nature sont une seule et même chose », ce qui relève d’un déterminisme absolu ; déterminisme que la physique moderne récuse, puisqu’elle démontre que dans l’univers règnent à la fois le nécessaire et le contingent. En d’autres termes le hasard et la nécessité coexistent dans les chaînes causales et heureusement, on verra pourquoi infra.
H. Reeves ne rêve pas de réenchanter le monde, parce que le monde l’émerveille déjà, bien qu’il aie une grande méfiance à propos de la précarité des visions qu’on s’en fait par le truchement tant de la science que des religions.
Les religions, dit-il, ne devraient pas s’immiscer dans le domaine du « comment ça marche » qui est celui de la science, quand le leur est celui du « comment vivre », que pour sa part, il entend traiter en son âme et conscience d’homme ayant mis sa foi chrétienne d’enfance à distance. « Dieu n’est plus une certitude mais une interrogation ».
Et de la poser sans détour, ainsi que celle de sa propre foi, (p67) : « …ne me sentant en possession d’aucune vérité absolue et d’aucun message [sans déclarer] que la vérité chrétienne est illusoire, […] je ne peux plus y enter ». Quand à la question rituelle : « Qui a créé Dieu ? » Sa réponse est la dénonciation de la circularité même de cette interrogation qui ne débouche sur rien : « Qui est le créateur du créateur, le créateur du créateur du créateur, et ainsi à l’infini ? » La circularité enlève toute pertinence à la question, car rien ne naît de rien. D’ailleurs, ne dit-il pas (p322) : « Le néant ne peut – par définition ! – correspondre à aucune réalité » ?
Des chapitres 9 à 13, H. Reeves parle essentiellement de cosmos, de sciences, de principes physiques et de la complexité croissante des systèmes organisés : « La complexité, c’est de l’information » (p205). La lecture en est absolument passionnante et non dénuée d’humour. Voir le dialogue entre Niels Bohr et Albert Einstein. Einstein : « Enfin, Niels, ne me dites pas que Dieu joue aux dés. » et Bohr de rétorquer : « Albert, cessez de dire à Dieu comment se comporter. ». Et plus loin il rappelle cette autre réplique célèbre d’Einstein : « Si Dieu joue aux dés, il ne garde que les coups gagnants. », où il montre sa grande méfiance quant au hasard, ce que Reeves ne manque pas de lui reprocher, car depuis, la science a montré l’importance du hasard dans l’univers et dans nos vie, tout simplement. Sans lui, la vie n’aurait certainement pas pu advenir.
Un mot ou deux encore, sur ce livre que j’ai littéralement dévoré.
Sur la musique, chère entre toutes choses à H. Reeves : « Les salles de concert sont mes églises », sans doute parce qu’il pense que la musique qui le ravit et l’emmène loin dans ses songeries est un langage universel accessible à tous et donc par là merveilleux.
Enfin, un tel esprit pouvait-il faire l’impasse sur le mal (et le bien) ? Sans doute pas.
Dans sa réflexion sur le mal, il emprunte la conclusion à Carl Gustav Jung : « Le monde dans lequel nous entrons à notre naissance est brutal et cruel à la fois et en même temps d’une sublime beauté ». Oui, insiste Hubert Reeves, « le monde est tout cela à la fois ».
Gilles Poulet
Janvier 2018
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1 Commentaire
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Reeves entretient savamment son image de gentil vieux bonhomme bienveillant. Mais gentil n’a qu’un oeil ! Il dit et écrit des évidences. Il se consacre à des causes humanistes. Mais les humanistes subissent les coups. Il prône la non-violence. Mais la désobéissance civile se confronte toujours aux coups du pouvoir et de l’argent qui sont impitoyables. Et cela m’est insupportable. Pour un oeil, les deux yeux. Pour un dent, toute la gueule !
P.S. ; vos captchas sont insupportables car ce qui est à faire ne s’affiche pas avant ou après les images et les chiffres sont en anglais. Utilisez donc le captcha à cocher le plus courant : « Je ne suis pas un robot »