Quelques précisions et observations pour préparer les combats de 2018.
Quand le président Macron s’interroge de manière critique sur la radicalisation de la laïcité, ses conclusions sont plutôt inquiétantes.
Le 21 décembre, le Président recevait douze hommes de religion qui, nous dit Le Monde du 23 décembre 2017, sont sortis enchantés de la réunion qui dura, notez-le, deux heures.
Et il y avait de quoi !
« Ce qu’on a vécu aujourd’hui est une sorte de prologue à l’instance de dialogue » voulue par Gérard Collomb, s’est enthousiasmé le représentant du culte protestant, François Clavairoly, tandis qu’Olivier Ribadeau-Dumas, le secrétaire général de la Conférence des évêques de France s’émerveillait de « la qualité d’écoute et la volonté constructive » du Président. Le grand rabbin de France précisait même que Macron « était là pour les entendre » et qu’il aurait dit : « Les religions font partie de la vie de la nation… [ajoutant plus tard] : « C’est la République qui est laïque, pas la société. » Soit ! Mais n’est-il pas justement le président de cette République laïque-là ?
À quoi joue notre star élyséenne ? Oui, à quoi joue-t-elle quand elle leur promet de les associer à la révision des lois bioéthiques, de même que « Sur les grandes questions, il associera aussi les religions ». Et nos douze hommes – plus du tout en colère – de se féliciter du fait que « les esprits [étant] mûrs » l’enseignement du fait religieux dans l’Éducation Nationale sera développé et que la porte n’est pas fermée pour qu’ils puissent y participer d’une façon ou d’une autre. (Il faut sans doute comprendre élaboration des programmes et peut-être même présence physique !).
En fait, Monsieur Macron ne comprend rien à la laïcité et, bien pire encore, il est en train de la liquider. Son attitude auprès des représentants de culte n’est évidemment pas anodine : insister sur une société qui ne serait « pas laïque », et affirmer face à des religieux sa « vigilance » face à une « radicalisation de la laïcité » témoigne d’une volonté de s’éloigner de la ligne défendue par les défenseurs les plus affirmés de la laïcité républicaine. Et de préférer l’accommodement avec les religions au combat pour l’universalisme.
Une arnaque géniale.
La loi de Séparation du 9/12/1905 parut au Saint-Siège absolument inacceptable et Pie X la condamna (bulles Vehementer et Gravissimo, février et août 1906). Opposition frontale du Vatican.
Les catholiques français refusent donc son application. Ils ne forment pas, à la différence des cultes protestant et israélite, les associations cultuelles prévues pour subvenir aux frais, à l’entretien et à l’exercice public d’un culte, prévu à l’art. 25. Ils s’opposent aux inventaires (art. 3) destinés à distinguer biens publics et biens des Églises. Devant cette dérobade, l’État doit se résoudre à changer ses objectifs face au catholicisme et finalement, en 1907, faute d’associations, les biens de l’Église de France sont confisqués, mais l’usage des églises et les cérémonies sont conservés. Les gens d’église disposent donc de locaux qu’ils n’entretiennent pas, mais dont ils ont quasiment la jouissance exclusive, avec la possibilité de contrecarrer tout autre usage, même artistique.
Nous allons voir l’exemple de l’organisation d’un concert dans une église, choisie, la plupart du temps, d’abord pour l’excellence de son acoustique.
La loi française, bonne fille, reconnaît qu’une église a pour destination exclusive l’exercice du culte… et l’Église, quant à elle, se réjouit de tout ce qui peut ouvrir l’Homme aux valeurs spirituelles compatibles avec le « sacré » du lieu, i.e., dans son esprit, ayant plutôt un caractère religieux. En conséquence de quoi une demande d’autorisation au clergé affectataire doit être signée par le demandeur, prié de donner une foultitude de renseignements, notamment sur le répertoire qui sera présenté. Tout de même auparavant, le maire dûment sollicité, aura autorisé l’utilisation de l’église concernant le dit spectacle, car il en est, si, si, le propriétaire. Mais, mais, mais… le prêtre peut s’y opposer purement et simplement ou amender le programme, au moins partiellement, s’il le juge non conforme. Conforme à quoi ? Sur quels critères ? C’est bien là un pouvoir discrétionnaire!
Ces observations appellent deux réflexions : d’abord, la jouissance exclusive dont s’arroge le clergé est un pur scandale perpétré par des gens qui occupent sans titre des locaux qu’ils n’entretiennent pas, en tout cas ni le clos ni le couvert, qui sont les postes les plus onéreux ; ensuite la censure de fait exercée par l’affectataire est un déni en regard de la liberté d’expression et de la liberté artistique. Aussi longtemps que la décence et l’ordre public sont respectés, la censure cléricale ne devrait pas pouvoir s’exercer.
Beau combat pour nous qui défendons notre laïcité française.
Les chevau-légers du libéralisme économique ont nom DRH.
Qui pourrait se passer de la Direction de la Ressource Humaine ? Aucune « boite » évidemment nous répondra-t-on. Le néolibéralisme a ceci de complètement incroyable qu’il renverse tous les concepts, c’est ainsi que les naïfs, dont je suis, croient encore que l’entreprise doit être génératrice de ressources pour l’Homme, alors que le DRH pense que l’Homme est une ressource pour l’entreprise. O tempora, o mores.
Quand on y regarde d’un peu près, une constatation s’impose : le management (c’est la niche et le « job » des DRH) moderne s’inspire des méthodes religieuses, voire sectaires. Jugez plutôt ! Dévotion à la boite, (un avatar du patriotisme d’entreprise), chef charismatique (du grec kharisma : don de grâce), séparations de la « communauté » des employés en tranches finement hiérarchisées, réservant à certains, les cadres en général, des sortes de cages dorées qui garantissent en fait à l’employeur une disponibilité de chaque instant, un dévouement illimité de gens débarrassés de tout souci et donc totalement attelés à leur tâche. C’est le sport national des start-up inventé dans la Silicon Valley.
Ne pas oublier non plus le rôle plus subtil, reconnaissons-le, de la mise en place de la diffusion capillaire des théories néo-libérales qui amènent les employés ainsi traités à aimer leur « Servitude Volontaire ».
En fait, le paradis du DRH et de son commanditaire, l’employeur, est là où règnent les dispositifs anglo-saxons, là où l’État n’est qu’un simple arbitre en charge de la régulation des relations au sein des entreprises, et si, ô rêve délicieux, les syndicats sont faibles ou inexistants, comme dans les pays arabes où ils sont interdits, plus aucun frein ne viendra entraver la marche merveilleuse du profit et de la prospérité… des entreprises. Les gens ? Quels gens ? Politique et direction des entreprises finiront par se compénétrer. Le paradis quoi !
Ce bon Friedrich Hayek a même mis à disposition des rapaces le credo idoine.
« Déréglementer, privatiser, réduire et simplifier les programmes de sécurité sociale, diminuer la protection contre le chômage, supprimer les programmes de subvention au logement et le contrôle des loyers, abolir le contrôle des prix et de la production dans l’agriculture, réduire le pouvoir syndical ».
Emmanuel Macron connaît bien ce credo et ses ordonnances sur le travail en transcrivent évidemment l’esprit. Dans une logique typiquement néolibérale, par exemple, sa politique affiche, s’agissant de ces ordonnances, des objectifs qu’on peut résumer ainsi :
- Réduire le coût du travail en organisant la concurrence entre salariés, y compris venus d’autres pays (dumping social).
- Diminuer les contre-pouvoirs au sein de l’entreprise (syndicats et locaux dédiés fragilisés) et en dehors ( certaines lois votées par la représentation nationale ne sont plus valables sur l’ensemble du territoire), culture de la dérogation.
- Imposer la disposition totale au travail, durcissement du lien de subordination.
- Aménagement de la rémunération à la discrétion de l’employeur, notamment des heures supplémentaires et de leur barème.
- Le social ne sera plus qu’un sous-produit de l’économie.
Démolir le collectif pour n’avoir plus affaire qu’à des contrats individuels, faciles à démolir puisque le rapport de force sera alors au profit exclusif de l’employeur débarrassé pour ainsi dire des conventions collectives, telle est la philosophie qui sous-tend ce dispositif. Au bout de cette logique, tout devient négociable, y compris les règles d’ordre public, avec une cécité voulue de l’État qui démissionne sans honte et regarde ailleurs. Le salarié entre dans la logique du « Soumets-toi ou fous le camp » et l’employeur, seul maître à bord, dans la logique du « Ton poste, je n’en ai plus l’utilité, donc tu es licencié. » La rupture conventionnelle (la RCC) débarque en force : introduit par la réforme du code du travail, le dispositif permet de se séparer de salariés sur la base du volontariat, sans motif économique et surtout sans craindre des procès en cascade devant les Prud’hommes. Le remodelage du code du travail commencera à être appliqué par certaines entreprises dès le début de l’année 2018. Selon le quotidien régional Le Parisien, PSA Peugeot-Citroën veut utiliser ce dispositif – la RCC – et compte en parler dès janvier avec les syndicats. Il y a des jours sombres au programme. Le fantasme libéral de la destruction définitive du programme du Conseil National de la Résistance est quasiment accompli.
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