La Raison Militante n° 60
Laïcité, le retour
Qui l’eût dit ? La laïcité, il n’y a guère si moquée pour cause de ringardise, est redevenue à la mode. Plus aucun politicien digne de ce nom n’omet désormais de la brandir en gonfalon.Le groupe parlementaire socialiste a récemment tenu colloque à l’Assemblée Nationale sur le thème de la laïcité. Peu auparavant, le club de réflexion animé par Jean-François Copé, alors encore président du groupe parlementaire UMP, avait planché sur la question et avait même tenté, à cette occasion, d’obtenir la caution laïque de notre association. Le radical valoisien centriste apparenté UMP, Jean-Louis Borloo, à peine débarqué du gouvernement, a réuni 900 convives à un banquet républicain pour disserter sur la laïcité. Peu importe que ses propos aient été aussi creux qu’un trou vide et aussi fumeux qu’un poêle mal ramoné ; l’important, c’est que l’étiquette laïque soit collée sur le flacon, fût-il vide. Dominique de Villepin, François Bayrou, chacun dans son registre, ne manquent pas l’occasion d’entonner aussi leur refrain aux accents laïques. Et, cerise sur le gâteau, c’est maintenant le Front National qui découvre les délices de cette valeur républicaine essentielle. Il est vrai que Sainte Marine-la-néo-laïque aurait bien tort de se priver de fustiger la pusillanimité et les palinodies du reste de la classe politique n’osant piper mot contre l’affront fait à la laïcité de l’espace public par les prêcheurs islamistes organisant chaque vendredi les prières de masse dans la rue, au mépris de l’ordre public et de la liberté de circulation des infidèles.
Nous nous réjouirions volontiers de cette unanimité laïque si celle-ci dépassait le stade du simple affichage. Peut-on, comme n’hésite pas à le faire le Front National, se présenter en défenseur exclusif de la laïcité et, en même temps, en appeler aux traditions et racines chrétiennes de la nation, en prônant, de surcroît, la préférence nationale et la ségrégation, y compris au plan salarial ? A droite et à l’extrême-droite, on brandit volontiers l’étendard de la laïcité pour s’opposer à la prétention du dogme islamique d’imposer ses contraintes souvent en contravention des libertés publiques et même, pour certaines, attentatoires à la dignité de l’individu(e) ; mais on accepte de liquider le monopole de collation des grades universitaires au profit du Vatican et on soutient une proposition de loi exonérant les établissements catholiques de l’impôt foncier. A gauche et à l’extrême-gauche, on se rappelle que la république est laïque quand il s’agit de dénoncer – à juste titre – la vaticanisation de l’Europe et la destruction de l’école publique au profit de l’enseignement confessionnel catholique ; mais on est parfois prêt à tous les accomodements (e.g. contournement de l’article 2 de la loi de séparation des églises et de l’Etat) permettant à l’islam de s’épanouir, y compris grâce aux deniers publics.
Ce n’est pas être intégriste de la laïcité d’affirmer que celle-ci n’est pas à géométrie variable. On ne peut être laïque à sens unique. Dans leurs principes, en préambule des statuts de l’ADLPF, les Libres Penseurs rappellent qu’ils regardent « tousles mysticismes et toutes les religions comme les pires obstacles à l’émancipation ». Alors, tant mieux si la laïcité devient, pour tous, une valeur reconnue essentielle. Mais, pour autant, la tâche de ses défenseurs est loin d’être achevée. Notre raison d’être et de lutter est aussi pertinente aujourd’hui qu’hier.
Nos efforts ne sont d’ailleurs pas vains. Nos idées progressent et nous nous réjouissons de ne plus être désormais seuls à revendiquer la reconnaissance officielle du 9 décembre, date anniversaire de la séparation des églises et de l’Etat, comme journée nationale de la laïcité, ni seuls à fêter ce jour en plantant des arbres de la laïcité. Nous avons été interviewés pour un dossier de l’E.N.A. sur les difficultés rencontrées par la laïcité de l’Ecole. Nous espérons bien pouvoir intervenir au sein du conseil de la laïcité récemment mis en place par le conseil régional d’Ile de France. Nous avons été la cheville ouvrière du soutien à la crèche Baby-Loup de Chanteloup-les-Vignes qui vient de gagner aux Prud’hommes contre la prétention d’une salariée de vouloir y travailler auprès des jeunes enfants en arborant un signe vestimentaire religieux, le hijab.
Pour que ces satisfactions en appellent d’autres, il est nécessaire que nous ayons les moyens de nos ambitions. En ce début d’année, formons le souhait d’avoir la détermination militante qui permettra le nécessaire renforcement de l’ADLPF, par exemple en incitant les sympathisants que nous connaissons à adhérer et en répondant à la souscription que nous avons lancée. A tous, bonne année 2011.
Denis PELLETIER, président de l’ADLPF
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