Pourquoi l’A.D.L.P.F. ?
Certains visiteurs s’interrogent:
Pourquoi existe-t-il deux associations nationales se réclamant de la Libre Pensée : notre Association Des Libres Penseurs de France (ADLPF) et la Fédération Nationale de la Libre Pensée (FNLP) ? Le présent article a pour objet de tenter de répondre à leur légitime perplexité.
L’histoire du mouvement de la libre pensée, organisé depuis la seconde moitié du XIXe siècle, est émaillée de ruptures, scissions et réunifications, totales ou partielles, entre plusieurs associations ou fédérations. La dernière grande réunification est celle de 1936 qui, au congrès de Châlons-sur-Marne, a vu se regrouper les 4 000 adhérents de l’ « Association des Travailleurs Sans Dieu » et les 25 000 membres de la « Fédération Nationale des Libres Penseurs de France et des Colonies ». Dissoute par Vichy en 1940, comme tous les syndicats et toutes les associations laïques et démocratiques, la Fédération Nationale de la Libre Pensée s’est reconstituée à la Libération et n’a plus connu de scission importante pendant un demi-siècle, à l’exception du passage à l’autonomie de la Fédération de la Libre Pensée des Bouches-du-Rhône en 1971.
( citons sur cette photo, Jeanine et Maurice Azoulay, René Labrégère, Jean Cotereau, Henri Lecoultre, et bien d’autres camarades que nous avons cotoyé)
Dans les années 1980 à 1990, le Parti des Travailleurs (P.T., ex-O.C.I., ex-O.T., ex-M.P.P.T.) aujourd’hui dénommé P.O.I., s’intéresse à la Libre Pensée et décide de l’investir. Au début, ses militants, généralement jeunes et dynamiques, sont généralement accueillis à bras ouverts par les militants Libres Penseurs, souvent blanchis sous le harnais, qui leur laissent volontiers prendre des responsabilités au sein des groupes locaux et des fédérations départementales. La stratégie d’entrisme du P.T. s’étend à plusieurs mouvements (syndicat F.O., C.A.E.D.E.L., mutuelles…) avec un succès variable. A la Libre Pensée, en une dizaine d’années, les militants trotsko-lambertistes du P.O.I. parviennent à être élus en majorité au sein de la Commission Administrative Nationale et à diriger bon nombre de fédérations départementales, mais pas Paris où est très actif le Groupe de Libres Penseurs de la Commune de Paris – André Lorulot. Ils décident alors de créer deux groupes parisiens croupions et de convoquer une Assemblée
Générale constitutive d’une « Fédération de Paris » le 25 juin 1995.
Les Libres Penseurs parisiens du groupe Lorulot s’y rendent, mais les pro-P.T., n’en voulant pas dans la fédération qu’ils vont créer, leur interdise physiquement l’accès du siège social de la rue des Fossés-Saint-Jacques… qui est aussi le siège du groupe Lorulot ! L’entrée de la salle de réunion est bloquée par quatre « gros bras » aux mains gantées, serrés épaule contre épaule, qui refoulent brutalement et frappent même les arrivants indésirables. La police, appelée à venir constater les faits, vient relever l’identité des bloqueurs de porte. Deux de nos camarades, des femmes d’un âge certain, Janine AZOULAY et Odette GAYOU, sont les principales victimes de ces voies de fait. Elles seront conduites au service médico-judiciaire de l’Hôtel-Dieu après le dépôt de plainte au commissariat du Vème arrondissement.
Ces graves événements, relatés avec tous les témoignages voulus dans le bulletin spécial de la fédération LP du Finistère d’août 1995, couronnent toute une série de méfaits et de comportements contraires aux plus élémentaires règles de fonctionnement démocratique dans plusieurs fédérations départementales… dont celle des Yvelines sept ans plus tôt. Mais l’information sur ce type d’événements circule difficilement et, à la base, dans les régions, la majorité des 6 000 adhérents de la Libre Pensée en ignore tout.
Une association se constitue, à l’intérieur de la Fédération Nationale, et regroupe les 420 signataires (1) de l’Appel aux Libres Penseurs lancé par Henri LECOULTRE, responsable de la fédération de Côte d’Or et ancien secrétaire général national. Début août 1995, elle publie le communiqué suivant. « La Libre Pensée trahie réagit ! Vidée de son essence, de sa philosophie, par les trotskistes du Parti des Travailleurs, la Libre Pensée est en danger. Exaspérés par les pratiques totalitaires de ce parti, nous venons de créer l’Association de Défense des Libres Penseurs de France ».
Le but de cette association n’est pas de scissionner, mais d’établir des règles . fonctionnement permettant la cohabitation et l’expression libre de tous. Un accord semble trouvé avec la signature du « protocole de Lézignan » créant notamment un bulletin intérieur sans censure ouvert à tous les adhérents. Mais, après trois ans de tentative infructueuse de conciliation, et après la suppression arbitraire du bulletin intérieur au congrès de Pontoise, l’ADLPF se résout, en 1998, à se transformer en association totalement autonome lors de son congrès de Saint-Marcellin (Isère).
L’association garde le même sigle ADLPF, mais l’Association de Défense des Libres Penseurs de France devient l’Association Des Libres Penseurs de France et son journal La Raison de la Colère devient La Raison Militante. La FNLP modifiera, à cette époque, ses statuts et rendra quasiment impossible toute alternance à sa direction. Bon nombre de camarades ayant décidé le passage à l’autonomie ont néanmoins gardé une double appartenance. Seize ans après, en raison des nombreuses divergences entre les deux mouvements, (Baby-Loup, loi sur les signes religieux à l’école, arbres de la laïcité…), en raison aussi de l’évidence de l’abandon des principes historiques de la Libre Pensée par la FNLP (notamment l’indépendance à l’égard des partis politiques et la critique de toutes les religions) cette double appartenance, devenue résiduelle, ne concerne plus qu’une petite centaine d’adhérents.
… et en 2002, à partir des restes de l’ancienne fédération LP 78 et notamment de sa section mantaise, sera constituée l’A.L.P.Y. qui adhérera à l’A.D.L.P.F.
(1) Parmi ces 420 noms figurent ceux de la quasi-totalité des anciens présidents et secrétaires généraux nationaux de la Libre Pensée.
Denis PELLETIER
(à partir de ses souvenirs personnels et des archives confiées par Maurice AZOULAY à Roland BOSDEVEIX)
Ci dessous: document correspondant à l’évenement cité de 1995 :
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5 Commentaires
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Menci cher président de ce compte-rendu exhaustif. Pour connaître ce sombre passage de notre histoire, je trouvais longtemps qu’il nous suffirait de construire loin de l’ancien vaisseau pour
reconquérir notre légitimité. Il ne suffit pas en effet le porter en étendard le terme ou l’idée de Libre Pensée (de même qu’il serait indéfendable, absurde et liberticide que de vouloir
en déposer le nom). Mais depuis bien des années, nombre de nos combats ou positions semblaient inaudibles, de par la confusion même, pour un large public, entre les deux associations. Le
caractère englobant du terme lui-même permettait à la FNLP d’user à son gré de récupération. Les combats de ces dernières années ont mis en évidence et de façon criante, l’importance des
divergences et combien elles peuvent nuire.
Ce rétablissement historique était plus que nécessaire et répondra sans aucun doute à la légitime curiosité de nos visiteurs. Notre illustre aîné, Maurice Azoulay, que nous accompagnions
récemment au tombeau, aurait applaudi des deux mains à cet exposé nécessaire.
Fraternellement.
Sapere Aude
Merci à Roland d’avoir fourni, pour illustrer ce texte, la photode groupe du congrès de Dôle en 1971. Un oeil de lynx averti pourra reconnaître, au tout dernier rang, le 6 ème en partant de la
gauche, le signataire du texte.A l’époque, j’étais barbu, jeune et beau (je veux dire encore plus barbu, plus jeune et plus beau encore que maintenant).
C’était mon premier congrès LP. J’étais délégué de la fédération de l’ex-Seine et Oise ce département était disparu depuis 1964, mais il n’y avait pas encore de fédés dans chaque nouveau
département créé. Perduraient donc la fédé de l’ex-Seine, présidée par Maurice Azoulay, et celle de l’ex-S et O, présidée par Roger Huron. Tout cela ne nous rajeunit pas, ma pôv dame !
Nous manquons de visibilité
Hélas, nous manquons de militants sur le terrain!
Il faut réclamer notre part provennant de la vente -de la Maison de Retraite- non justifiée effectuée par nos « amis ».