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Note de lecture

4 Fév 2017

Grand-père est-ce que tu crois en Dieu ?

Dialogue avec ma petite-fille sur les religions.

Yves FERROUL

La Pensée des Hommes – N°103

Avenue Victoria, 5 – 1000 Bruxelles

La Pensée des Hommes est une revue qui paraît depuis soixante ans sous la forme d’un recueil d’articles, cette fois, Jacques Ch. LEMAIRE, son président, l’a ouverte au seul Yves PERROUL[1] pour publier ce qu’il considère comme un joyau.

Et cela en est un, en effet !

Le docteur FERROUL dialogue avec Pauline, sa petite-fille, férue de mythologie et assoiffée d’explications sur les dieux et leur aventure.

Une première partie conte cette histoire des dieux, depuis la préhistoire jusqu’au dernier prophète important recensé, Mahomet, en passant par la vaine quête d’immortalité de Gilgamesh et bien d’autres anecdotes. Sur un ton à coup sûr quelque peu ironique, est racontée la création, vue par les uns et les autres, où il apparaît que l’on utilise sans vergogne le copier-coller à peine modifié pour les besoins de la cause, on recycle les légendes à l’infini. La Bible, écrite pour rassurer les Juifs et leur fournir une histoire nationale, en est un exemple typique.

On part, au fil des échanges, à la rencontre des Grecs qui « remettent les dieux à leur place » en les humanisant en leur prêtant toutes les qualités et défauts humains. On comprend bientôt comment un Dieu unique finit par supplanter ses concurrents et que ce fut une lente élaboration qui s’est achevée avec une nouvelle histoire de Dieu forgée par les chrétiens, qui depuis 2000 ans ne cessent de la faire évoluer, comme évolue aussi la branche musulmane initialement souchée sur l’ancien Testament et le prophète Jésus. Les histoires de dieux sont dépendantes des attentes de leurs contemporains qui les inventent, les embellissent et se les racontent. Les humains, insatiables, se montrent avides de nouvelles histoires qui s’adaptent à leurs problèmes du moment et les aident à affronter les rigueurs de leur temps. CQFD.

Une seconde partie, intitulée « Croire ou ne pas croire » invite à raisonner correctement. Et là, le rationaliste, grâce à une souriante maïeutique, amène Pauline sur les bonnes pistes et à poser les bonnes questions. La prière est de nul effet, alors pourquoi les gens continuent-ils de prier ? Parce que ça les rassure. Croire élimine-t-il tous les problèmes ? Évidemment non. Il y a mille croyances, toutes se prétendent l’Unique, alors à quoi, au final, croient les croyants ? Vraisemblablement à un concept engendrant des dieux incompatibles, car « au fil de la discussion, ils passent d’un Dieu pur esprit, donc inconnaissable, à un Dieu qui agit sur le monde, comme Yahvé ou Allah et même à un Dieu incarné, comme Jésus ».

Il est impossible de prouver l’existence de Dieu, or une idée sans preuve est inutile. À ceux qui objectent que prouver Son inexistence est également impossible, on fera remarquer que la seule contemplation du monde, le darwinisme, les avancées spectaculaires de la science, par exemple, constituent un corpus autrement sérieux que les histoires abracadabrantes des livres dits saints. Absence de preuves ici, explications qui se passent de l’hypothèse Dieu là. Et puis, cette objection centrale : Dieu fabriquerait le monde, mais ce seraient les hommes seuls qui sont responsables de ce qui ne va pas ?

FERROUL et Pauline ne laissent rien en suspens, aussi abordent-ils ensemble le problème de la morale et du mal. Question : les enfants nés en éprouvette relèvent-ils aussi du péché originel ? Réponse ; on ne peut pas dire qu’il y a eu un premier homme, depuis le singe à Neandertal, il y a eu beaucoup d’espèces d’hommes ! Exit le mythe d’Adam et Ève.

Après tous ces échanges on constate, chapitre 26, le triomphe de la pensée athée, morceau de bravoure autant brillant que limpide.

Yves FERROUL est un extraordinaire pédagogue, jamais aucune haine ni aucun mépris ne transparaît dans ses propos, car « Pour [lui] [tous les hommes] sont des frères humains, qui partagent avec [lui] la condition humaine, se posent les mêmes questions que [lui]… Ils m’ont donné leur réponse et cela m’aide à trouver la mienne. » Cette distance, cette générosité est admirable, les prosélytes religieux pourraient en prendre de la graine. Qu’on en juge : « … une croyance en Dieu est toujours utile et même nécessaire pour certains esprits humains, esprits qui ont autant de droit d’exister que les esprits rationalistes. (…) Nous devons créer l’athéisme et la croyance de demain (…) inventer une société plus chaleureuse (…) les croyants doivent renoncer à ce qui n’est plus pensable dans leur religion. Nous avons besoin les uns des autres. »

Comment mieux dire, comment formuler autrement cette déclaration de paix ? Yves FERROUL nous offre dans cet opus une pensée digne des grands humanistes, mais à l’aune d’un humanisme tenant compte des avancées de la pensée comme des avancées scientifiques.

Gilles Poulet

Février 2017

[1] Le docteur Yves Ferroul, médecin sexologue, est agrégé de Lettres, docteur en Lettres. Il est père de trois enfants, a cinq petits-enfants. Il a enseigné comme Maître de conférences de littérature médiévale à l’université de Lille 3, et comme chargé de cours d’histoire de la médecine et de cours de sexologie à la faculté de médecine de Lille 2.

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