Billet d’humeur d’un libre-écouteur
« Oui, mais » se dit maintenant « en même temps ».
« Oui, mais » est une formule qui permet d’euphémiser un non ou une restriction mentale. Rappelons-nous l’opposition de Giscard d’Estaing à de Gaulle, depuis son « Oui, mais »de 1967 jusqu’à son appel à voter NON au référendum annoncé par celui-ci en 1969 et ce qu’il s’en suivit.
Autre exemple, plus familier celui-là : on vous demande si vous avez apprécié tel roman et vous répondez : « Oui, mais je trouve l’intrigue un peu tarabiscotée et opaque », signifie qu’en fait vous ne l’avez guère apprécié.
La novlangue utilisée par le président Macron, en campagne comme maintenant, emploie massivement un « En même temps » qui prétend indiquer qu’il est un adepte de la pensée complexe, c’est à dire d’une façon dialogique d’exprimer les choses ou d’exposer sa pensée. Dans le cas d’espèce il n’en est rien, il semble plutôt qu’il s’agisse du symptôme d’une dichotomie politique interne au personnage, comme du reste au courant social qu’il incarne. Une sorte de « marais » politique oscillatoire et contradictoire puisque défini comme ni droite ni gauche, mais emmené par des ex socialistes, des ex centristes et des transfuges de la droite.
Cette division interne a de curieux effets. En politique étrangère, par exemple : allié des États-Unis, mais « en même temps » se méfiant de Washington, ouvert à une coopération avec Moscou sur la Syrie, mais « en même temps » circonspect vis-à-vis de la Russie, Emmanuel Macron inaugure une diplomatie qui serait, ô paradoxe de la construction a posteriori, selon ses soutiens, « gaullo-mitterrandienne ». Je ne suis pas sûr que ces deux personnages s’en trouveraient flattés.
Cependant il faut dire que le « en même temps » est un peu plus performant que le « oui,mais », dont nous avons dit qu’il équivaut à une restriction mentale, il est aussi un miroir aux alouettes, un leurre pour gogo.
Le vrai projet du Président est monodirectionnel. Il ne veut pas « en même temps », il veut « tout le temps » pour ce pays une politique économique néolibérale, d’austérité, voire autoritaire, si l’on en juge par ses sorties violentes contre les fainéants, les cyniques et autres réticents à sa politique.
Il continuera en l’accentuant ce qui est « en marche » depuis des lustres. Sachons en reconnaître les manies, tics et méthodes. La première victime est la démocratie qui se retire, sans enthousiasme, devant l’expertise, devenue l’ultime argument, le nec plus ultra de la manipulation construite sur le mode : « Vous êtes des ignares, vous n’y connaissez rien. Laissez faire ceux qui savent ». Ainsi se forge sous nos yeux et à notre corps défendant, un monde ultralibéral, un monde voué au capitalisme et soumis à la dictature de l’économisme qui met, renversant toute logique humaniste, l’homme au service de l’économie. D’abord les profits, les gens ? Bof ! Thatcher nous avait prévenus : « La société n’existe pas. » (« There is no such thing as society. ») ». Il n’y avait, pour elle, que des individus lancés dans la lutte pour la vie, dans un monde où s’exerce la concurrence libre et non faussée. La guerre de tous contre chacun et de chacun contre tous.
Si on se donne la peine de regarder de près ce que met en place ce pouvoir, force est de constater que tout en proclamant qu’il veut réformer pour le bien du pays et celui des gens, « en même temps » il suscite de nouvelles souffrances, initie de nouveaux reculs et pratique une gouvernance (il ne mérite que ce terme, issu du sabir managérial) de plus en plus autoritaire.
Il est le Président de la République, « oui, mais » « en même temps » il a encore perdu de sa superbe dans les sondages, il était le 4/09/2017 à 30% de satisfaits. « En même temps… »
GP
Septembre 2017
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2 Commentaires
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Les libres-penseurs de l’ADLPF ne doivent pas craindre de développer une « pensée du complexe », leur raison y serait gagnante. J’ai eu l’occasion de la développer devant des usurpateurs de la LIBRE PENSEE : ils restent sur le cul de leur dogmatisme !
La PENSÉE DU COMPLEXE, reprise par Edgard MORIN, puis politiquement par ROCARD et ATTALI, est un concept scientifique, exprimant une forme de pensée qui accepte les interdépendances de chaque discipline, les imbrications de chaque domaine de la pensée. C’est la pensée de « ce qui est tissé ensemble ».
Comme la politique est une question de gestion et de réélection, les partis et pseudo-partis (comme ceux issus du cerveau bicéphale de MOUFFE et LACLAU) sont inaptes à développer une PENSÉE DU COMPLEXE, car leurs représentants sont confrontés essentiellement à deux tâches :
– gouverner avec l’aide d’experts spécialisés, donc impropres à maîtriser la complexité.
– se faire élire par un électorat formaté en particulier par des médias poussant au charisme et au sensationnel, et donc imperméable à tout ce qui est complexe.
En effet, il est impossible d’agir sur le monde, sans remettre en question le mode de production capitaliste, alors même que celui-ci est un mode de destruction progressive des liens que nous entretenons avec la nature et entre nous.
Si l’Homme doit être placé à la fois aux origines et aux fins de l’action politique, seule une action pour « dépasser » le capitalisme a besoin d’une pensée du complexe. Mais, elle ne peut être l’apanage d’une élite intellectuelle, d’un parti politique ou d’un mouvement citoyen qui seraient trois pas en avant des masses.
Comme chaque être humain est un monde en lui-même, il ne peut exister de pensée du complexe sans recours à la dialectique matérialiste.
Impossible de faire l’impasse sur le réductionnisme et le holisme qui sont deux attitudes scientifiques, qui concernent également les sciences dites humaines.
– Les réductionnistes privilégient l’analyse en parties de plus en plus petites qu’ils considèrent comme nécessaire et suffisante pour reconstituer la réalité.
– Les holistes refusent cette approche, car pour eux “ le tout est plus que la somme des parties « , ce dont ils déduisent que l’étude des parties n’apprend rien du tout.
On retrouve des démarches réductionnistes chez les économistes ou les politiciens qui réduisent toute la société aux décisions de l’individu « égoïste » qui cherche à optimiser sa situation. Et des démarches holistes chez ceux (quelques fois les mêmes à d’autres moments) qui voient dans la main invisible du marché le recours infaillible à tous les problèmes de la société.
La dialectique matérialiste, à ne pas confondre avec une idéologie, permet de penser la société en termes de transformations, de rapports, de contradictions. Elle s’intéresse aux interactions entre le tout et ses parties, comme à celles du tout et des parties avec leur environnement. Donc, une science du complexe englobe le réductionnisme et l’holisme pour les dépasser, transformant leur opposition en une contradiction dialectique.
Ce concept de pensée du complexe est donc à bien distinguer du sens commun du terme « complexe » en Enarchie : difficile d’accès à la compréhension. Les gens de peu (et de bien), et non de rien, auront compris que la PENSÉE DU COMPLEXE ne se réduit surtout pas à la PENSÉE COMPLEXE des énarques qui, comme Bruno LEMAIRE, affirme : « Mon intelligence est un obstacle » !
Oui, en effet. Je suis d’accord avec vous et c’est bien le mésusage de la pensée complexe par les politiques que je dénonce. Je connais plutôt bien les écrits de Morin et des chercheurs qui sont autour de lui tel Le Moigne et bien sûr la Lettre Chemin faisant qui nous tient au courant de leurs travaux? J’en recommande la lecture: http://www.intelligence-complexite.org La manie des raccourcis et des escamotages, chère au monde politique entraîne des « pertes en ligne » considérables et dommageables.