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LE VADE-MECUM DE LA CRÈCHE ILLÉGALE

17 Nov 2016

ADLPF La Libre Pensée Laïcité LE VADE-MECUM DE LA CRÈCHE ILLÉGALE

« Comme nous le laissions entendre dans notre article, Les jésuites ne sont pas qu’au Vatican: « les conditions d’installation préconisées par le Conseil d’État pour déterminer le caractère culturel d’une installation sont assez sévères : «[…] il convient de tenir compte du contexte dans lequel a lieu l’installation, des conditions particulières de cette installation, de l’existence ou de l’absence d’usages locaux et du lieu de cette installation. ». Notre camarade Bernard Favot nous en fait une lumineuse démonstration, de surcroît pleine d’humour. »

LE  VADE-MECUM  DE  LA  CRÈCHE  ILLÉGALE.

Le Libre-penseur se doit de respecter les décisions de la justice républicaine ; et même s’il s’agit des deux récents arrêts du Conseil d’État relatifs aux crèches de Noël.

En revanche, rien ne l’empêche de préconiser des solutions concrètes pour s’adapter de façon optimale aux nouvelles normes ainsi voulues par la jurisprudence. Quitte à mettre en exergue l’aperçu de conséquences qui pourraient surprendre les sages du Conseil eux – mêmes.

C’est ainsi que le présent VADE-MECUM, scrupuleusement établi à la lumière des critères retenus par la Haute Juridiction, entend mettre à la disposition de chacun non seulement les moyens de reconnaître infailliblement une crèche qui serait illégale dans l’espace public, mais aussi des solutions irréprochables pour canaliser toutes les dérives.

Comment reconnaître une crèche illégale ?

1ère éventualité : une crèche est installée de façon permanente.

La position du Conseil d’État est claire sur le principe : l’installation d’une crèche de Noël à l’initiative d’une personne publique et dans un emplacement public ne peut être que temporaire. Toutefois cette affirmation n’est pas complétée par l’indication des bornes de cette temporalité, comme si elles devaient s’imposer d’évidence.

Paradoxalement, il faudrait donc se référer à la liturgie de l’Église catholique pour apprendre que le « Temps de la crèche » commence au dimanche de l’Avent (27 novembre) et se termine à la Présentation (02 février). Étant exclu qu’un maire puisse être plus royaliste qu’un curé pour faire durer davantage.

Mais c’est déjà bien long ! Fort heureusement, la Juridiction dispose que pour être dénuée de signification religieuse la crèche accompagne traditionnellement les fêtes de fin d’année … lesquelles cessent évidemment à la reprise du travail du 03 janvier.

Résumons : est illégale une crèche dont la présence s’impose plus de 37 jours. Attendre l’Épiphanie pour la retirer, c’est s’inscrire dans une démarche religieuse, et cela devient désormais interdit.

2ème éventualité : une crèche est installée dans un bâtiment public sans justification contextuelle.

Dans une enceinte publique (bâtiment ou service public) une crèche est illégale aux yeux du Conseil d’État si son installation est déconnectée de toutes circonstances particulières marquant son inscription dans un environnement (*) culturel, artistique ou festif où elle trouverait sa place en tant qu’élément (*) partie des décorations et illustrations des festivités de fin d’année.

Autrement dit est illégale la crèche posée « à sec » dans un hall municipal, car cette représentation n’est pas intrinsèquement un élément suffisant à justifier sa présence en ce lieu. Il faut quand même un peu de chair autour  pour la rendre réjouissante : on ne décore pas une mairie triste au seul moyen d’une crèche lumineuse. C’est donc dans le cadre d’une démarche raisonnée, et en proportion de l’ensemble, que peut s’ajouter une crèche comme on le ferait d’un père-Noël goguenard. Tout au contraire l’exposition abrupte d’une représentation de la Nativité fondatrice de l’ère chrétienne évoque directement le prosélytisme et l’expression d’une préférence religieuse, ce qui est désormais interdit.

Bon guide, le Conseil d’État recommande aussi de vérifier l’existence d’un usage local. Ce qui veut dire qu’à défaut d’une pratique antérieure suffisante, le juge administratif se montrera bienveillant à faire disparaître par référé une crèche surnuméraire ; du moins à la réclamation qu’on lui en fera.

Résumons : est illégale une crèche simplement posée sur un guichet, surtout si elle apparaît pour une première fois. Est illégale aussi une crèche symbole d’absolu et non relativisée par  une activité humaine établie.

3ème éventualité : une crèche installée sur la voie publique dans un contexte prosélyte ou religieux.

Dans la rue, ou tout autre espace public ouvert, est illégale une crèche faisant acte de prosélytisme ou de revendication d’opinion religieuse. Le Conseil d’État laisse ainsi une marge très étroite aux responsables publics qui voudraient se risquer à tenir la gageure d’édifier une crèche rigoureusement conforme au nouveau droit. Autant leur demander l’impossible ! La pratique montre en effet que dans ces circonstances les religieux sont habiles à glisser insidieusement des repères de leur croyance. Donnons des exemples : une crèche qu’on accompagnera d’autres symboles (un santon évêque), une crèche appelant à assister à la messe de minuit, une crèche sonorisée de tintements de cloches d’église ou de chants liturgiques à la gloire du divin enfant, une crèche accompagnée d’une quête au profit des œuvres paroissiales … d’autant qu’il est bien rare que les manifestations « culturelles » extériorisées ne soient pas accompagnées d’un appel financier.

Résumons : est illégale la crèche de rue où le diable se cache dans les détails d’une contextualité religieuse, … qu’il faudra avoir le courage de systématiquement relever.

Ah ! L’idéal serait d’avoir une crèche laïque !

Comment canaliser les dérives ?

Soucieux de soutenir la paix publique, le Conseil d’État a de toute évidence voulu dédramatiser la situation en banalisant la notion de crèche. Ainsi la définit-il a minima :

«représentation susceptible de revêtir une pluralité de significations», parmi lesquelles il retient certes un rappel de l’iconographie chrétienne mais aussi un élément utile à satisfaire les décorateurs. En droit français, la crèche de Noël devient donc, sous l’égide de la Haute Juridiction, une auberge espagnole où chacun peut s’accommoder à sa façon, sous la réserve de le faire laïquement.

Et c’est pourquoi les Libres-penseurs sont à point nommé pour apporter leur propre contribution.

1ère proposition : promouvoir les crèches laïques.

L’objectif est de convaincre les élus locaux de la nécessité de saturer l’espace public de crèches anachroniques, c’est-à-dire déconnectées de l’ère chrétienne et dont l’impact festif serait garanti. Voici deux exemples :

a) la crèche de l’ère néolithique.

Dans une grotte, Marie vêtue d’une peau de renne dorlote un bébé velu ; tandis que Joseph, armé d’une massue bien charpentée, surveille du coin de l’œil un mammouth et un diplodocus trop empressés.

Mais attention : pas d’erreur !  car pour respecter le critère culturel les parois de la caverne devront être recouvertes de peintures rupestres.

b) la crèche du jardin d’Éden.

Dans une vigne, les deux heureux parents, revêtus de leur candeur biblique, sirotent un verre de jus de pomme. Sauf le serpent qui siffle au-dessus de leur tête, ils n’ont nul besoin de bestiaux auprès du berceau, car le thermostat paradisiaque assure un confort optimal.

Mais attention : pas de gaudriole ! car pour respecter le critère artistique, la vierge doit ressembler à l’actrice de « et Dieu créa la femme ». Ce pourquoi elle portera un bébé phoque dans ses bras.

2ème proposition : s’opposer à l’instauration d’usages locaux.

Très sérieusement, il y a un vrai danger à ce qu’à la suite d’une lecture trop rapide des deux arrêts du Conseil d’État, des municipalités se précipitent dans les jours prochains à installer des crèches dans leurs locaux ; mais sans respecter les solides garde-fous qui viennent d’être rappelés. Ultérieurement, ces mêmes maires prétexteront de l’instauration d’un usage local !

L’objectif est donc de demander aux citoyens libres-penseurs d’être spécialement vigilants dès ce mois de décembre 2016, et de ne pas hésiter à envoyer leur lettre recommandée de nécessaire protestation.

Car un citoyen vertueux préférera toujours une crèche blasphématoire à une crèche illégale.

Bernard FAVOT

(*) les termes « élément » et « environnement » sont essentiels pour la compréhension de la nouvelle jurisprudence. Ils figurent respectivement aux Arrêts CE du 09 novembre 2016 n° 395122 (§ 4 et 11) et n° 395223 (§ 4).

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6 Commentaires

  1. Duterroir

    Bon dieu ça fait du bien de lire la prose d’un libre penseur qui ne s’en laisse pas conter. La patate chaude est entre les mains des élus, alors qu’ils prennent garde aux vigilants comme B. Favot.

  2. Contrario

    Franchement, n’y-at-il rien de plus important que de s’opposer à la mise en place de crèches qui ne font de mal à personne, sauf à ceux qui refusent la tolérerance ? Quand je vois la violence des termes utilisés dans certains articles, notamment celui consacré à Mère Thérésa (qui, soit dit en passant, a dût faire autrement plus pour son prochain que l’auteur dudit article), je me dis que la vraie opposition n’est pas entre croyants et athées, mais entre ceux qui sont tolérants aux idées des autres (comme le sont la grande majorité des croyants, mais aussi des athées), et ceux qui ne supportent pas que l’on pense autrement. Bref, sur le fonds, libres penseurs ou intégristes catholiques, musulmans ou juifs, c’est finalement le même aveuglement, le même rejet de l’autre et de ses différences. Alors pour une fois, rentrez dans les églises, les mosquées ou les synagogues, et je suis certains que vous verrez que les croyants et religieux sont bien plus pondérés, ouverts et humanistes que vous ne semblez le croire. Le monde va mal, alors combattez pour des choses qui en valent vraiment la peine !

  3. Raymond

    Le Conseil d’ Etat est la risée à l’étranger

    N’oubliez pas quand même votre sapin de Noël et
    de fêter le solstice d’hiver comme tous nos ancêtres les païens
    par un Bon Réveillon .

  4. PAUL

    Je pense que, bien plus choquant que les crèches dans des lieux publics, il serait utile de se poser la question de la localisation de la saint chapelle au coeur du palais de justice de paris.Comment ceci est il acceptable ?il faut soit demander le transfert du palais, soit solliciter sa destruction.

  5. Duterroir

    À Paul, on pourrait aussi raser tous les tumulus, les dolmens, les menhirs, les cathédrales, les églises, les mosquées et les synagogues (pour commencer) et avec les gravas combler le trou de la Sécu.

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