LYON : terre d’un futur » concordat oecuménique » ?…
Défaitisme ou réalisme ?
Ce titre peut paraître provocateur. Cependant, pour qui s’intéresse au combat laïque à Lyon, depuis près de 20 ans, tel semble l’issue. La coalition des élus locaux, des autorités de l’Etat avec les représentants des cultes n’a jamais été aussi prégnante dans notre région.
La Laïcité à Lyon, dans le Rhône et dans la région Rhône-Alpes s’apparente plus à un lointain souvenir qu’à une réalité vécue, confortée au quotidien.
Ici la République est mise en lambeau, chaque jour, par les calculs cyniques des politiciens et la servilité des hautes autorités de la République.
Le citoyen est effacé au profit des communautés religieuses et surtout de leurs représentants qui monopolisent la parole. Pour bien comprendre ce constat amer et sombre il faut revenir sur les évènements marquants qui ont conduit à cette situation préoccupante pour la paix civile et notre devenir commun.
La droite et la laïcité.
Les premières escarmouches ont débuté sous le mandat du Maire RPR Michel Noir dans les années 90 avec le vote par les collectivités locales (Ville, Communauté Urbaine – COURLY- Département et Région- Rhône-Alpes) d’une subvention de 90 millions de Frs (14 millions d’€) pour permettre à l’enseignement supérieur catholique, qui utilise abusivement le titre d’Université1, de s’agrandir en acquérant l’ancien quartier général Bissuel idéalement situé proche de la gare de Lyon-Perrache. Malgré les recours des associations laïques l’intérêt pour les collectivités de financer fut reconnu par le juge administratif. La Loi de 1905 écartée, l’argent public pouvait financer l’enseignement privé confessionnel au delà des dérogations pourtant précises prévues par les lois Debré, Guermeur, Lang, Carles.
Entre-temps Raymond Barre devient le nouveau maire et, en 2000, à un an de la fin de son mandat, il fit voter une subvention de 1,5 millions de Frs pour financer l’installation d’un ascenseur à la Basilique de Fourvière monument privé2. Là aussi consensus avec la gauche! Ce même R. Barre s’empressait de participer, chaque année, à la commémoration catholique des « Vœux des échevins » qui a lieu chaque 8 septembre pour remercier la vierge Marie d’avoir sauvé la ville de la peste.
La gauche et la laïcité : église catholique reconnaissante.
Déjà, lors de ces combats, les partis de gauche toutes tendances confondues, non seulement se firent timides, n’apportèrent pas leur soutien aux associations laïques, mais pour certains votèrent même les subventions…
Mais bon, on pouvait affirmer, sans intention de caricaturer : la droite, était dans son rôle. Elle était a priori plus proche des bénitiers de St Jean que de cette valeur républicaine essentielle qu’est la laïcité.
Et pourtant au moment où la gauche s’installe à la tête de la municipalité l’espoir va vite se transformer en amertume. Le socialiste Gérard Collomb, qui s’affiche franc-maçon, fraichement élu s’empresse de donner un gage à l’archevêché en se rendant à son tour, le 8 septembre 2001, aux « Vœux des Echevins ». La présence officielle de l’exécutif local à cette manifestation constitue un acte de reconnaissance par la personne publique prohibé par la loi de 1905. Il devait à cette occasion, fait unique en France, affirmer sa conception de la laïcité dans un lieu de culte. Elle était selon lui « une démarche qui loin de chercher à tout niveler, respecte les différences dans lesquelles elle voit une source d’enrichissement. C’est cette laïcité là que je veux promouvoir ». Depuis le maire socialiste de LYON fait chaque année allégeance auprès du cardinal primat des Gaules …
Un signal fort était ainsi envoyé à l’égard des cultes lyonnais et l’argent public devait désormais couler à flots au profit, bien entendu, principalement de l’église catholique.
Les premières faveurs (au moins celles que nous connaissons) : encore la basilique de Fourvière 1,76 millions d’€ (en 2008). Basilique que Victor Augagneur (Maire de 1900 – 1905) qualifiait de citadelle de la superstition et de l’exploitation qui « se dresse sur le point culminant de notre ville comme pour jeter un insolent défi à la démocratie et à la philosophie de la raison et de la vérité ». Par la suite près d’un million d’Euros en 2012 pour sa mise en lumière. Bien entendu au nom du patrimoine et de l’identité lyonnaise !
Viennent ensuite, en 2005, le financement pour 147000€ de la maison de Pauline- Marie Jaricot fondatrice de l’œuvre pour la propagation de la foi (détenue aujourd’hui par les Œuvres Pontificales Missionnaires), et, pour la création d’un musée du christianisme, 480000€, musée qui s’annonce comme le musée du catéchisme catholique (2009).
Garantie financière, en 2012, de la ville pour 9 millions d’€ pour permettre, toujours, à l’enseignement supérieur catholique, de s’agrandir en rénovant les anciennes prisons Saint-Paul et Saint Joseph situées au sud de la gare LYON-Perrache. On n’évoquera même pas les conditions financières octroyées par la ville à l’enseignement général catholique qui vont au-delà de ce qu’imposent aux collectivités territoriales certaines lois postérieures à 1905, déjà honteusement favorables à l’enseignement confessionnel.
LYON devient, désormais, la ville des grands rassemblements cultuels. L’association Communauté San Egidio (connue pour être un satellite de la diplomatie du Vatican) choisit LYON en 2005 pour la tenue de ses « Journées internationales » et elle reçoit 200000 € (à part égale Ville de LYON et Département du Rhône). Les protestants n’en seront pas de reste : 96000 € (même répartition) pour la XIIIème conférence des Eglises protestantes d’Europe (KEK).
Au nom de ce même climat si ouvert, si bénéfique, le journal La Vieannonce la tenue mi-octobre 2013 des Etats généraux3 du Christianisme auxquelles seront présents tous les partis politiques jusqu’au Parti de Gauche. Surveillons qu’il n’y aura pas de surcroît la perspective de versement d’argent public par subvention …
Tous à l’unisson : tournée générale …
Ce climat si favorable aux cultes a incité les mormons à délocaliser leur siège de Genève… pour venir s’installer à LYON. Ajoutons, là aussi fait sans doute unique en France, que le maire a été jusqu’à créer auprès de lui un «chargé des affaires cultuelles »… comme si cette question était dans les compétences d’un maire.
Devant tant de générosité et de bienveillance le cardinal Barbarin, en 2008, aux bords de l’épectase déclarait : « heureusement des politiques comme Sarkozy et Collomb ont inventé la « laïcité de gratitude » qui remercie les religions pour leur apport à la société »…
La Région dirigée par le socialiste Jean- Jacques Queyranne, à l’unisson de ce maire si généreux et compréhensif pour les cultes, décidait, en 2010, de voter une subvention de 450000 € pour la restauration de la basilique d’Annaba en Algérie. Cette basilique fait partie d’un ensemble de bâtiments construits en fin de XIXème siècle, comme le Sacré Cœur, dédiés à la vierge Marie pour avoir sauvé la FRANCE de la peste « rouge ». Le prétexte invoqué, le lien commun entre l’ALGERIE et notre pays à travers un lieu qui aurait été celui de Saint Augustin et jeter ainsi une passerelle entre nos deux peuples à travers le culte catholique… dans un pays musulman. Il fallait y penser. Il existe, à Annaba, un site archéologique romain dans un état déplorable (faites donc la vérification par un moteur de recherche) qui nous aurait peut- être appris beaucoup sur une romanité partagée des deux bords de la Méditerranée.
Les autres cultes ne sont pas oubliés4 pour autant avec notamment les « accommodements raisonnés » qui permettent de différencier dans les cantines scolaires les enfants selon leur confession. Le point d’orgue étant la ville socialiste de VILLEURBANNE dont les cantines distribuent des jetons jaunes et verts. Même si ça ne paraît pas pensable, on vous laisse deviner la couleur des confessions destinataires! On relève aussi la mise à disposition de locaux scolaires lors de fêtes religieuses musulmanes en particulier la fête de l’Aïd.
On pourrait encore multiplier les exemples, mais pour en terminer on citera le maire communiste de Vaulx-en-Velin, qui a cru obtenir la paix dans sa commune en pactisant avec les religions. Il a fait construire avec l’argent public des lieux de cultes (catholique, bouddhiste et, en cours, musulman), il peut en mesurer le résultat en cet été caniculaire avec les émeutes de nuit qui se sont produites dans sa ville.
Les symboles contre la laïcité.
Outre la dimension « espèces sonnantes et trébuchantes » nos édiles n’oublient pas la dimension symbolique. Au nom de la laïcité, ils participent à toutes les cérémonies religieuses. Le maire de LYON fait le plus preuve de zèle en ce domaine. Il a accueilli plusieurs fois les représentants du culte musulman à l’hôtel de ville, haut symbole républicain, à l’occasion de la rupture du jeûne. Il se félicitait, tout récemment, lors de l’inauguration, en février 2013, à VILLEURBANNE, des nouveaux locaux du CRCM5 en affirmant : « qu’il était heureux que les recherches de locaux se soient concrétisées ici, à Villeurbanne, une ville pluriculturelle et pluricultuelle ». Dans la foulée il faisait voter par le conseil municipal de LYON, sans débat, une subvention de 16000€ assurant le financement de cette nouvelle installation. Pour la petite histoire seul deux élus se sont abstenus, lourd de sens sur ce qui se passe dans cette ville …
Laïcité selon Saint Bauberot.
Jusqu’à présent la mairie de LYON ne cessait de s’affirmer laïque en se masquant, sans cesse, derrière des propos pompeux et pontifiants.
Cependant en mai 2013 dans une intervention au cours du Premier synode national de l’Eglise protestante unie de France (est-ce la place d’un élu de la République ?) affirmait qu’il partageait la conception de la laïcité défendu par Jean Bauberot « car la loi de 1905 n’engageait pas seulement la République à garantir le libre exercice du culte mais aussi son aspect public. C’est pourquoi je ne suis pas de ceux qui veulent reléguer les religions dans la sphère de l’intime. Je crois au contraire qu’elles ont toute leur place dans la vie de la cité ».
Tout était dit. Des siècles de combat pour libérer les peuples, l’humanité de l’emprise des religions sur l’organisation politique, sociale, artistique, bref dans notre vie de tous les jours, sont mis à bas par des élus qui se prétendent socialistes c’est à dire, normalement, des hommes et des femmes de progrès…Des siècles de souffrance jetés aux oubliettes. La mémoire n’éclaire plus nos « traders de la politique ». Seul leur maintien au pouvoir importe même au prix de la paix civile.
Le rêve de Sarkozy serait-il sur le point de se réaliser ?
La Région Rhône-Alpes, avec Lyon comme ville pilote, est ainsi devenue, depuis deux décennies, le laboratoire de ce que sera, sans aucune réaction des citoyens, la France de demain dans ses rapports avec les religions. Il n’y a qu’à observer le comportement de l’actuel Ministre de l’Intérieur6 qui, sans dire, lui, que le curé est plus important que l’instituteur, pratique néanmoins la politique de l’oxymore. Il s’affirme laïque tout en reconnaissant les cultes en se rendant en tant que ministre de la République à la rupture du jeune du ramadan, aux fêtes juives. Bertrand Delanoé le maire de Paris est sur la même ligne. De nombreuses collectivités appliquent cette laïcité de l’oxymore. Il y a tout à craindre que cette ligne soit suivit au plus haut niveau de la République. La reculade de F. Hollande Président sur la constitutionnalisation des deux premiers articles de la loi de 1905, les premières déclarations du président de l’observatoire national de la laïcité ne sont pas là pour nous rassurer.
Alors LYON laboratoire d’un futur « concordat œcuménique » ? Faisons en sorte que la trahison soit défaite et que notre scénario soit le plus fort. A nous d’écrire notre histoire …
Jean PETRILLI
Le Conseil d’Etat dans son arrêt du 9 juillet 2010 sur les accords « Kouchner-Vatican » concernant la délivrance de diplômes rappelle « qu’aux termes de l’article L. 731-14 du de l’éducation : Les établissements d’enseignement supérieur privés ne peuvent en aucun cas prendre le titre d’université. Les certificats d’études qu’ils jugent à propos de décerner aux élèves ne peuvent porter les titres de baccalauréat, de licence ou de doctorat… Le fait, pour le responsable d’un établissement, de donner à celui-ci le titre d’université ou de faire décerner des certificats portant le titre de baccalauréat, de licence ou de doctorat, est puni de 30 000 euros d’amende. »
Qui fit l’objet d’un recours avec au final une jurisprudence du Conseil d’Etat favorable cette violation de la loi de 1905.
Notons au passage la captation d’un concept révolutionnaire de la part d’une institution qui repose sur le dogme…
Financement des travaux de restauration de la synagogue et du grand temple protestant
Conseil Régional du Culte musulman
Sans doute au titre de sa fonction de ministre chargé des cultes (département de son ministère)
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2 Commentaires
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Triste bilan, mais, malheureusement, excellent état des lieux étrabli par Jean Pétrilli. On doit se saisir de ce texte comme d’une arme dans notre combat pour l’éradication du cléricalisme
et l’émancipation de l’individu.
A bas la calote !
Le problèms des subventions du C. Régional à San Egidio, bras de l’Opus Dei, est bien connu. Or San Egidio s’est distingué en 1995 en demandant que le FIS algérien obtienne le pouvoir puisqu’il
avait gagné les élections. Les bons militants pensent que c’est la part visible d’un accord Opus-musulmnas ultra plus large ! Et après le Rwanda où l’Eglise avait montré ses …moyens, donc elle
dit : c’est nous qui commandons. Accord approuvé par Clinton qui n’était guère laïque, par L Jospin à qui son pote Chevènement aurait pu dire là qu’il « ratait une occasion de la fermer »…
et mlle F Aubenas, pas une grande laïque non plus. J’avais écrit pour les subventions à JJ Queyranne (qui a des qualités) en reprenant les mots d’une pétition de la FNLP mais par
lettre ; et je lui ai mis 8 jours après pourquoi : l’accord S-E et FIS était initié par Louisa Hanoune amie de Lambert… je voulais éviter le ridicule. Ledru